Du point de vue du consommateur…
On sait depuis longtemps que lorsque les vaches consomment de l’herbe fraîche, leur lait est meilleur pour notre santé. En effet, pour limiter les maladies cardiovasculaires, il est préconisé de viser dans notre alimentation, un rapport entre les acides gras (AG) ?6 et ?3 inférieur à 5. Dans ce cadre, boire du lait de pâturage est intéressant car ce dernier est enrichi en acides gras polyinsaturés (AGPI) [tels que les omega 3 (?3) et le CLA (acide linoléique conjugué)] comparativement au lait produit par une ration hivernale riche en ensilage de maïs.
Parmi les AGPI présents dans le lait de pâturage, le CLA c9t11, aussi appelé acide ruménique, est spécifique aux productions animales et aurait un rôle de prévention contre les maladies cancéreuses.
En hiver, lorsque les animaux sont à l’étable, une alimentation contenant des graines de lin extrudées induit un effet comparable à l’herbe sur la qualité du lait. Une telle stratégie alimentaire permet donc de proposer au consommateur un lait de qualité différenciée tout au long de l’année.
D’autres constituants du lait sont bénéfiques pour notre santé tels que l’équol. Il s’agit d’un polyphénol, partiellement excrété dans le lait, issu de la transformation de certains constituants spécifiques aux légumineuses par les micro-organismes du tube digestif de l’animal. L’équol est donc absent du règne végétal et uniquement présent dans les produits fermentés et d’origine animale. Il aurait un effet anti-oxydant très élevé et pourrait protéger le consommateur des cancers hormono-dépendants (cancers de la prostate, du sein, des ovaires…). Puisque 3 personnes sur 4 en Europe ne sont pas capables de synthétiser l’équol, le lait constituerait ainsi une source de choix.
La qualité fine du lait fonction de la flore prairiale
Les projets ‘GrassMilk’ et ‘Phytohealth’ ont démontré que la qualité fine du lait dépendait largement de la flore prairiale. Ainsi, recourir aux légumineuses lors de l’implantation des prairies, et en particulier au trèfle violet, permet notamment d’accroître la teneur du lait en équol.
Il a également été observé que :
- Des vaches pâturant une prairie riche en trèfle violet produisait un lait beaucoup plus riche en équol que celles pâturant du raygrass;
- Qu’il était possible d’enrichir le lait en équol à partir d’ensilage d’herbe, lors de la période hivernale;
- Que les légumineuses fourragères sont plus efficaces que le tourteau de soja pour accroître la teneur en équol du lait;
- Que l’équol se maintient après stérilisation du lait, ainsi que dans les produits laitiers tels que les fromages, les yoghourts…;
- Que le lait issu de l’agriculture biologique contient 5 à 6 fois plus d’équol que le lait issu de l’agriculture traditionnelle en raison d’un recours plus important aux légumineuses.
Les recherches montrent également que le lait produit à base d’ensilage d’herbe est plus riche en AGPI avec des ensilages contenant des légumineuses qu’avec des ensilages issus de graminées uniquement. Ceci proviendrait de constituant tels que la PPO (Polyphénol Oxydase) des légumineuses protégeant les AG de l’herbe de l’hydrogénation lors du processus d’ensilage.
Les résultats en ferme
Durant une année complète, la qualité fine du lait produit par six exploitations, ayant des degrés d’autonomie et donc une part d’herbe dans la ration des animaux très différente, a été suivie. L’objectif de cette étape était d’illustrer la variabilité de la composition du lait en conditions pratiques. Les observations sur le terrain confirment les résultats expérimentaux, à savoir un lien étroit entre l’apport d’herbe dans la ration des vaches laitières et la richesse en AGPI et CLA c9t11 du lait. Des différences importantes dans la teneur en équol du lait sont également observées et s’expliquent par la présence des légumineuses (toutes espèces confondues) dans la ration des animaux. Enfin, la présence de vitamine E dans le lait, dont l’intérêt en tant qu’anti-oxydant n’est plus à démontrer, est liée à la proportion d’herbe et de produits herbagers dans la ration des vaches.
A l’inverse, l’herbe et les produits herbagers avaient un impact négatif sur la teneur en vitamine B12 (ou cobalamine) du lait. Cette vitamine largement apportée par le lait dans l’alimentation humaine, a un intérêt dans la prévention des maladies neurodégénératives, en particulier chez les personnes âgées. La vitamine B12 qui constitue, tout comme l’équol ou le CLA, un nutriment spécifique aux productions animales et microbiennes, était plus concentrée dans le lait issu de régimes riches en ensilage de maïs.
Globalement, ces recherches permettent de crédibiliser l’intérêt nutritionnel du lait et de conforter sa place de choix dans la pyramide alimentaire de l’homme. Nos résultats permettent d’ouvrir le débat et, sur base de preuves tangibles, de rendre au lait ses lettres de noblesses par rapport à des alternatives appelées à tort ‘lait végétaux’. Ils apportent également un support de communication vers les consommateurs et renforcent l’intérêt de soutenir une production locale, autonome et basée sur la prairie : l’or vert de Wallonie.
Contact : Eric Froidmont, e.froidmont@cra.wallonie.be